Élongation des bactéries : Une flexibilité surprenante dans la croissance de bactéries étroitement apparentées

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Une nouvelle étude de l’Université de Montréal a mis au jour une diversité inattendue dans la manière dont des espèces bactériennes, même étroitement apparentées, allongent leur cellule, un processus fondamental pour leur croissance et leur survie. Cette découverte a des implications significatives pour la compréhension de l’évolution et de l’adaptation bactériennes, et pourrait ouvrir la voie à de nouvelles stratégies antibiotiques.

Contexte

Les bactéries présentent une gamme remarquable de formes et de tailles, cruciales pour leurs différents modes de vie et environnements. Un processus clé déterminant ces formes est l’élongation cellulaire – la manière dont les bactéries s’allongent avant de se diviser. Pendant des décennies, les scientifiques ont cru que les mécanismes régissant l’élongation cellulaire étaient largement conservés, en particulier chez les espèces qui sont de proches parentes sur l’arbre évolutif. L’essentiel de notre compréhension provenait de l’étude de quelques espèces bactériennes « modèles », conduisant à supposer que d’autres se comporteraient de manière similaire.

La question

L’équipe de recherche, dirigée par des scientifiques de l’Université de Montréal et de l’Institut Courtois d’innovation biomédicale, a remis en question cette hypothèse de longue date. Ils visaient à étudier la diversité des mécanismes d’élongation cellulaire au sein d’un groupe de bactéries étroitement apparentées, la famille des Caulobacteraceae. La question centrale était : ces bactéries croissent-elles toutes de la même manière, ou existe-t-il plus de variation – ou de « plasticité phénotypique » – qu’on ne le pensait auparavant ? Comprendre cela pourrait révéler comment les bactéries adaptent leurs stratégies de croissance à différentes conditions et pressions évolutives.

Expérimentations : Un aperçu des chantiers de construction bactériens

Pour observer la croissance de ces organismes, les chercheurs, avec en tête l’auteure principale, Dr Marie Delaby, chercheuse postdoctorale à l’Université de Montréal, ont employé des techniques d’imagerie sophistiquées utilisant des D-aminoacides fluorescents (ADAF). Ces ADAF s’incorporent dans la paroi cellulaire bactérienne partout où du nouveau matériel est activement synthétisé. En suivant l’apparition de ces signaux fluorescents au fil du temps, les scientifiques ont pu cartographier les «chantiers de construction» pour l’élongation cellulaire chez différentes espèces bactériennes.

Ils ont combiné ces techniques d’imagerie cellulaire avec des analyses génétiques et des études phylogénétiques (relations évolutives). Cette approche multidimensionnelle leur a permis non seulement de voir comment différentes espèces s’allongeaient, mais aussi de comprendre les bases génétiques et le contexte évolutif de ces différences.

Au lieu d’une méthode d’élongation uniforme, même ces bactéries étroitement apparentées ont montré une variété surprenante de stratégies. Certaines s’allongeaient à partir du milieu dans les deux directions, d’autres vers une seule extrémité, et certaines commençaient à croître par un bout de la cellule avant de changer pour une croissance partant du milieu de la cellule. Ces différences sur où et comment les cellules s’allongent montrent bien à quel point la croissance bactérienne peut être flexible et diverse.. Ils ont aussi étudié la localisation de PBP2, une protéine impliquée dans la synthèse de la paroi cellulaire, et ont découvert que sa position au sein de la cellule changeait de manière corrélée avec les différents modes d’élongation. Cela suggère que la machinerie responsable de la croissance cellulaire est hautement adaptable.

 

Conclusion : Une nouvelle appréciation de l’individualité bactérienne

« Ces résultats pourraient changer notre compréhension de la croissance cellulaire bactérienne », déclare Dr Yves Brun, auteur senior de l’étude, titulaire de la Chaire de recherche du Canada 150 en biologie cellulaire bactérienne à l’Université de Montréal et chercheur au CI2B. « Nous avons montré qu’il existe un degré remarquable de plasticité phénotypique dans la manière dont les bactéries s’allongent, même parmi les espèces que nous pensions très similaires. Il est clair que les bactéries sont beaucoup plus flexibles et diverses dans leurs processus biologiques qu’on le croyait auparavant. »

Pertinence pour la santé humaine

Les mécanismes de synthèse de la paroi cellulaire bactérienne et d’élongation sont des cibles privilégiées pour bon nombre de nos antibiotiques les plus efficaces, comme la pénicilline. La découverte d’une diversité et d’une plasticité aussi inattendues dans ces processus fondamentaux a des implications cruciales pour la santé humaine.

« Si différentes bactéries construisent leurs parois cellulaires de manières variées, cela signifie que les antibiotiques ciblant ces processus pourraient avoir différents niveaux d’efficacité contre elles », explique Dr Delaby. « Comprendre cette diversité est essentiel pour développer de nouveaux antibiotiques et lutter contre la résistance aux antibiotiques. En apprenant davantage sur ces stratégies de croissance, nous pourrions être en mesure d’identifier de nouvelles cibles plus spécifiques pour de futurs médicaments, ou de prédire comment les bactéries pourraient développer une résistance. »

L’étude est une collaboration avec Francisco Pulido et Dr Frederic J Veyrier de l’Institut National de la Recherche Scientifique (INRS) et Dr Michael S. VanNieuwenhze de l’Université de l’Indiana.

L’étude complète est disponible en accès ouvert sur le site de Nature Communications.

Professeur Yves Brun, PhD

Marie Delaby, PhD. Chercheuse postdoctorale

 

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